HABITER LA VILLE

Compte-rendu d'un atelier-rencontre Ă  la Rencontre de Valmeinier en 2007, France

Près de la moitié de la population mondiale habite en ville. Celles-ci grandissent à une vitesse vertigineuse, engendrant des problèmes humains et sociaux sans précédent. L'utopie de la maîtrise urbaine du siècle dernier semble dépassée. Aujourd'hui, des personnes, des associations, des professionnels... s'engagent en allant du souci de la personne au souci de la cité tout entière. Ils mettent leur art au service de la ville et prennent le risque de croire qu'elle peut être un lieu privilégié d'épanouissement personnel, de développement culturel et de maturation de la vie en société.

par Benoît Dargent

Benoît Dargent et Samira Soudahi sont architectes.

La veille de cet A CASA DI, BĂ©nĂ©dicte me demande de prendre des notes. Surprise ! Car je me laissais porter par l’ambiance et n’avais absolument pas envie de « mettre au travail ».

Le lendemain, grand soleil, ciel lumineux, l’ esprit stimulĂ© par cet air vivifiant, je me rends Ă  cet A Casa Di en « auditeur », position peu commune pour moi. Nous sommes une quinzaine au rez-de-chaussĂ©e d’un chalet avec vue sur la montagne. Encourageant pour parler « d’habiter la ville » !

D’autant que la ville je connais, j’y habite depuis de nombreuses années. Avant cela, j’ai habité la campagne ou de petits villages, j’ai l’expérience et le ressenti des deux aspects.

C’est pourquoi, intriguée par le contenu de cet A CASA DI, je suis agréablement surprise par les propos de Benoît Dargent (architecte) qui ouvre notre réunion en ces termes :

« Si la musique pouvait produire un monde nouveau, l’architecture est un art qui doit produire un monde nouveau. »

L’architecture est un art et doit rester léger, garder de la hauteur et de la joie.

Citation : - « La beautĂ© meurt quand la pensĂ©e marche devant » -

Encourageant !

Qu’est-ce qu’habiter la ville ? Aujourd’hui on assiste à un réveil brutal. En effet, les villes ont été construites pour des hommes et par des hommes mais celles-ci sont inhumaines, stressantes, polluées, invivables.

Intéressant cette approche car c’est ce que je ressens ! Notamment en matière de stress, les villes ne sont pas faites pour que les personnes puissent y trouver un lieu de détente ou de ressourcement après les activités de la journée. Toujours du bruit, de la pollution, des voitures, sans parler de la dimension humaine qui est ignorée. On ne prend plus le temps de se rencontrer, de se connaître. Ce sont des propos que l’on connaît, des réflexions que l’on se fait, mais il me semble que jusqu’à aujourd’hui,ils sont restés au stade de l’ intellect. Qu’ils ne sont que nourriture exclusive des idéalistes ou des écolos, me disait-on, avant,il y a longtemps… !

La parole est donnée à Samira OUDIHI , architecte. Elle travaille au Maroc sur un projet de résorption de bidonville. Ce projet consiste à l’amélioration physique, sociale et humaine du quartier. Il tend vers cette dimension. La démarche est participative, implique tous les acteurs du projet et notamment les habitants du quartier. Il est important qu’il y ait de l’accompagnement en amont du projet et en aval pour amener cette implication. Le quartier très ancien (80 ans), l’ancrage des habitants y est très fort. L’enquête et la rencontre avec les habitants fait percevoir qu’il y a une mémoire commune. D’où volonté de préserver cette histoire et de la transmettre, du fait du fort attachement au sol. Les habitants veulent rester sur ce lieu. On oublie constamment la dimension humaine, la présence des habitants, car les décisions sont prises de manière technocratique. Dans ce projet les architectes sont plus humanistes que technocrates. Ils se sentent concernés. C’est une dimension importante pour réaliser tout projet de ville. C’est le retour à la référence qui est l’homme, c’est la prise en compte de cette dimension». Samira vit très bien cette expérience car les résultats sont excellents et je la sens très impliquée dans ce travail.

Je suis en plein rêve ! J’attendais ces paroles depuis longtemps, car c’est réellement une nouvelle démarche que de prendre en compte la dimension sociale et humaine dans un projet de cette importance. Il doit devenir un exemple, une référence. Les grandes villes françaises auraient besoin de s’en inspirer, de se pencher d’urgence sur la question de l’implication des habitants. La démarche participative est nécessaire, il faut prendre en compte les besoins des citoyens qui habitent les lieux.

Le projet suivant est présenté par Michèle qui travaille avec Benoît sur un projet vers Bordeaux. C’est la création et la construction d’un lot de 9 habitations de Haute Qualité Environnementale (HQE).

L’atelier d’architecture de Benoît Dargent est intéressant car original dans son fonctionnement et son approche. Il est pluri-disciplinaire. De ce fait, l’activité de cet atelier est plus large que le « simple » travail en libéral :

- c’est un cabinet d’architectes, mais aussi

- une entreprise de bâtiment

- une association culturelle

Il n’y a pas de structure juridique mais le choix de travailler ensemble permet d’aborder la question d’une façon plurielle. Dans cet atelier, « la porte d’entrĂ©e » pour l’acte de bâtir, est ou bien le cabinet d’architectes, ou l’entreprise de bâtiment ou l’association culturelle. Le cabinet depuis 30 ans a toujours voulu mettre d’abord la personne au cĹ“ur des projets. D’une manière gĂ©nĂ©rale l’architecte n’est pas prĂ©parĂ© Ă  cette approche, le juridique n’est pas non plus prĂŞt Ă  travailler ainsi.

Le projet en question se situe dans le dĂ©partement de la Gironde (33). La municipalitĂ© a souhaitĂ© la prise en compte de l’économie d’énergie et de l’urbanisme respectueux de l’environnement afin qu’il y ait de la convivialitĂ© entre les habitants. La demande est très grande : la municipalitĂ© « veut » tout pour servir d’exemple.

Quel moment intéressant et vivifiant !

L’A CASA DI touche à sa fin. Nous avons partagé, réagi sur le moment, posé des questions pertinentes. Je suis heureuse de ce que j’ai entendu. De beaux projets se mettent en place doucement, car il est nécessaire de prendre en compte la lenteur du changement des mentalités. Les concepts bougent dans le monde de l’architecture et de l’urbanisme. Enfin, quel bonheur de rencontrer des architectes ayant des préoccupations humanistes et dont les idées commencent à être prises en compte. Le cadre de vie influe sur la santé physique et mentale, c’est une part importante de notre quotidien.

Mieux vivre dans la ville enfin un rêve qui pourrait devenir réalité ?

BientĂ´t ?